Les soignants sont des personnes confrontées à des situations quotidiennes parfois difficiles, souvent éprouvantes d’un point de vue émotionnel. Piliers essentiels de notre système de santé, leur cadre de travail est pourtant rempli de défis physiques, émotionnels et organisationnels à gérer. La pénibilité de leurs postes les expose aux Troubles Musculo-Squelettiques (TMS), très présents dans le secteur sanitaire et social. 90 % des maladies professionnelles du personnel de santé sont liées aux TMS, ce qui impacte les individus comme leurs structures. Alors, comment protéger ces professionnels en améliorant leur qualité de vie au travail ? Plongeons dans les enjeux des TMS chez les soignants et voyons les solutions concrètes et durables pour les ajuster à la politique préventive des structures.
Les TMS chez les soignants : de quoi parle-t-on ?
Vous savez qu’on adoooore parler de la prévention des Troubles Musculo-Squelettiques sur ce blog et si vous ne le savez pas encore, faisons connaissance. La spécialité de La Minute PEP’S, c’est de personnaliser la prévention des TMS pour booster les équipes.
Petit rappel sur le Trouble Musculo-Squelettique
Si vous n’avez pas encore lu notre dossier complet sur le sujet, petit rappel sur les TMS : on parle de pathologies qui touchent l’ensemble du corps. Les muscles, les tendons, les articulations, les nerfs soumis à des sollicitations répétitives et excessives peuvent être touchés.
Parmi les plus tristement célèbres, on trouve par exemple les lombalgies.
Pourquoi les soignants sont-ils particulièrement exposés aux TMS ?
Si l’on reprend l’exemple du mal de dos, celui-ci représente 25 % des accidents du travail au sein des EHPAD (Source Ameli).
Pourquoi le secteur sanitaire et médico-social est très sensible aux troubles musculo-squelettiques ?
Déjà, parce que les chiffres le disent.
90% des maladies professionnelles du secteur sont des TMS (Source Ameli). Le chiffre monte à 94% dans le secteur spécifique des EPHAD, où les contraintes physiques sont importantes.
Surtout, parce que les conditions de travail des métiers de la santé sont très contraignantes (Source DRESS) avec :
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les exigences horaires ;
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les contraintes physiques ;
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l’intensité du travail ;
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les exigences émotionnelles ;
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le manque de reconnaissance ;
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les rapports sociaux ;
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les conflits de valeurs ;
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l’insécurité ;
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le manque d’autonomie.
L’impact des TMS sur le personnel de santé et leurs structures
On a déjà évoqué l’impact des TMS en entreprise et tout comme le secteur privé, celui de la santé est concerné aussi par de lourdes conséquences.
D’une part, au niveau des salariés.
Une étude de la DRESS de 2017 précise que les établissements de santé sont l’un des secteurs où les salariés ont le plus recours aux arrêts de travail.
Leur absence représente 2,3 millions de jours d’arrêt par an et 60% d’entre eux sont liés au mal de dos. En majorité, les douleurs liées aux TMS chez les aides-soignants et infirmiers touchent les lombaires, le tronc et aussi les membres supérieurs, comme la coiffe des rotateurs. Elles surviennent en réaction à des efforts répétitifs et contraignants physiquement.
Le risque de turnover et de reconversion est réel chez les soignants.
Du côté des structures, l’impact est d’abord économique. 160 millions d’euros de cotisations sociales sont versés chaque année dans le secteur (Source Ameli).
Il engendre aussi une baisse d’efficacité du système et des contraintes pour remplacer le personnel malade, dont l’absence pèse sur ceux qui restent (puisque le nombre de malades, lui, ne diminue pas).
Les clés de la prévention des TMS chez les soignants
Identifier les principaux facteurs de risque…
Les contraintes biomécaniques et psychosociales touchent plus les salariés du secteur de la santé humaine et de l’action sociale que ceux des autres secteurs. Et c’est Santé Publique France qui le dit dans une publication des résultats d’une enquête sur les expositions des personnels soignants aux TMS (2022).
Voici un panel des facteurs physiques auxquels les soignants font face : port de charges, déplacement d’objet lourd, manutention des patients. Cette dernière comprend le levage, le déplacement, le repositionnement avec drap, le rehaussement au fauteuil et les nombreux transferts (assis-couché, couché-assis, lit-brancard, etc.). Bref, tout un tas de gestes répétitifs qui demandent un effort intense.
Du côté des facteurs psychosociaux, on trouve surtout l’absence de reconnaissance, de soutien et la surcharge de travail.
… et tous les autres facteurs
Dans les facteurs de risque organisationnels, on trouve la gestion des plannings, la difficulté de planifier son temps, les pauses inégalement réparties, la monotonie de certaines tâches, l’encombrement du service (avec parfois des risques de chute).
On y inclut aussi le manque d’équipement, comme des services équipés d’un appareil disponible pour plusieurs chambres, qu’il faut installer et désinstaller à chaque utilisation.
Il y a aussi les facteurs environnementaux, comme les couloirs avec des courants d’air ou le froid, sur lequel l’INRS consacre un dossier complet.
De même, un éclairage défectueux la nuit pose des soucis de visibilité et rend les déplacements plus risqués. Tout comme un bruit continu fatigue beaucoup plus vite.
Comment évaluer tous ces risques ?
Grâce en partie au Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (appelé DUERP) utilisé par les équipes.
Au-delà de ce document obligatoire, la meilleure évaluation des risques passe par l’implication des équipes avec l’ergonome, le médecin du travail. Et pourquoi pas par l’intervention de La Minute PEP’S ? 😉
Proposer des solutions pratiques et cohérentes
Après l’identification des risques, les clés d’une prévention efficace passent par la mise en place de solutions concrètes. Et ça tombe bien, car c’est une obligation légale stipulée dans l’article n°4121 du Code du travail : les employeurs doivent assurer la sécurité des salariés et protéger leur santé mentale.
Alors, comment fait-on ?
Avec des actions immédiates
Dès à présent, vous pouvez entamer une démarche préventive sans attendre la semaine de la QVCT pour déjà rappeler les gestes et postures adaptés au quotidien de vos soignants. Voici quelques idées :
✅ transférer les patients en utilisant le principe du contrepoids plutôt qu’en tirant ;
✅ penser aux squats avec une triple flexion chevilles-genoux-hanches pour porter une charge plutôt que de se pencher en avant ;
✅ se placer autour du lit plutôt qu’à l’autre bout et utiliser la technique des fentes latérales pour travailler sur le côté, sans risque. Pourquoi ne pas demander au patient de participer au transfert ? Deux avantages à le faire : pour économiser le soignant et entretenir les capacités du soigné 👌🏻
Cette formation aux bonnes pratiques de transfert ou de port de charge peut s’accompagner d’une sensibilisation à des exercices simples et efficaces pour diminuer les tensions musculaires 💡Pourquoi ne pas proposer un échauffement articulaire des chevilles, du cou, des poignets et des épaules à chaque début de service ? 🤸🏻
Au-delà du temps de travail, vous pouvez aussi sensibiliser vos équipes à l’importance de pratiquer une activité physique adaptée régulière, car on le sait : le sport, c’est bon pour la santé !
Avec des équipements ergonomiques
Sensibiliser vos équipes à l’importance d’utiliser des équipements ergonomiques dès que c’est possible est une action préventive intéressante.
Oui, parce qu’il est d’usage d’utiliser le matériel ergonomique pour des cas lourds, alors qu’une utilisation généralisée de ces dispositifs pourrait s’intégrer aux processus de soin. Le bénéfice est double : cela vient améliorer la qualité de vie au travail et cela contribue à la qualité des soins.
Il est donc possible d’envisager des actions de formation pour rappeler aux soignants comment bien utiliser un drap de glisse, un rail ou un guidon de transfert, tout comme un lève-personne.
C’est comme pour la conduite automobile : on prend tous de mauvaises habitudes avec le temps, et une petite piqûre de rappel ne fait jamais de mal.
L’amélioration de la qualité des soins est en partie conditionnée à l’usage de ce type de matériel de manutention, alors pourquoi s’en priver.
Le mouvement au cœur de l’action
Vous savez notre attachement au mouvement. C’est la base de toute action de prévention et le cœur de notre action ❤️
Vous doutez encore de ces bienfaits ?
Voici 3 raisons de l’adopter définitivement dans le quotidien de votre service de santé :
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L’utilité première du muscle, c’est de se contracter et se décontracter pour produire un mouvement. Un muscle non utilisé s’atrophie et devient douloureux.
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Plus une articulation bouge, moins le risque de s’ankyloser la guette. Avec le mouvement, on stimule des récepteurs qui déclenchent la production de liquide synovial. Résultat : un effet lubrifiant 100% naturel et une articulation bien huilée.
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Le mouvement favorise la bonne circulation du sang, indispensable pour transporter nutriments, oxygène, anticorps et hormones à travers tout l’organisme.
Et si vous vous demandez comment bien bouger, voici notre avis : il n’y a pas de bon ou de mauvais mouvement. On évite juste de maintenir une posture de manière prolongée et même si vous tenez le dos droit.
Le seul mot d’ordre est : alternez ! Mettez votre corps en mouvement en variant les postures 🤸🏻 C’est d’ailleurs notre philosophie : trouver un équilibre entre le débit, ou les gestes et postures que l’on réalise en excès, et le crédit, les mouvements préventifs pour équilibrer les contraintes mécaniques.
L’importance de la formation des personnels soignants
On l’a vu plus haut, mais croire qu’une formation initiale aux risques ergonomiques suffit à prévenir durablement les TMS, c’est faux.
Tout l’enjeu de la formation est d’être continue, pour rappeler régulièrement aux personnels soignants l’importance de prendre soin d’eux et comment le faire. C’est une manière de les rendre acteurs de leur prévention.
D’ailleurs, la formation est aussi un moyen d’échanger avec eux sur la démarche de prévention pour rendre celle-ci pérenne, adaptée et donc efficiente 👌🏻
Prévenir la santé mentale pour limiter les TMS
Les personnels soignants sont soumis à des exigences émotionnelles intenses. N’oublions pas qu’ils sont confrontés constamment à la maladie et parfois, à la mort. Leur responsabilité vis-à-vis des patients est importante, alors même que les conditions de travail se dégradent.
Un vrai risque pour la santé mentale existe donc chez les soignants, en proie à une fatigue émotionnelle et physique. Et l’on connaît bien le lien étroit entre stress et TMS. Si le premier favorise l’apparition du second, l’inverse est tout aussi vrai. L’apparition d’une douleur musculo-squelettique peut aussi induire un stress nocif.
Pour favoriser le bien-être mental des équipes soignantes, pourquoi ne pas se tourner vers des disciplines comme la méditation de pleine conscience ou des techniques respiratoires ?
Intégrer la prévention dans l’organisation du travail
Une prévention TMS efficace ne se limite pas à quelques actions isolées, mais doit s’intégrer pleinement dans l’environnement de travail des soignants.
Adapter les plannings des équipes
Revoir les emplois du temps peut limiter la fatigue du personnel.
On connaît l’importance des rythmes circadiens pour le corps qui se régule autour de l’alternance veille-sommeil et qui aime la régularité.
Tenir compte de ce besoin de repos en veillant à une juste répartition des pauses ou à répartir les tâches lourdes entre les équipes est une manière d’inclure la prévention des TMS à l’organisation du travail des soignants.
Intégrer la prévention aux soins à domicile
De la même manière, la prévention des TMS doit s’adapter aussi aux structures proposant des soins à domicile.
Le défi, pour intégrer pleinement la démarche préventive, est d’anticiper les contraintes rencontrées par les soignants, liées aux espaces pas toujours adaptés. Pour y arriver, créer un temps d’échange avec les équipes amène à réfléchir aux solutions innovantes à adopter pour faciliter la manutention, via des dispositifs légers et transportables, par exemple.
Et pourquoi pas engager un travail avec les familles autour de l’aménagement de l’environnement du patient ?
Conclusion : pour agir dès aujourd’hui
C’est l’heure de faire le bilan de votre structure de soin pour agir dès maintenant et protéger vos équipes.
Les Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) représentent une menace, déjà pour la personne elle-même, mais aussi pour votre organisation. Les contraintes physiques intenses, les facteurs psychosociaux et le cadre de travail parfois difficile demandent une approche préventive globale, suivie et proactive. Pour relever ce défi, vous pouvez agir sur plusieurs leviers parmi lesquels la formation continue, la prise en compte de la pénibilité et la prévention du stress. Rappeler aux équipes les bonnes pratiques de manutention et d’utilisation des équipements ergonomiques, modifier l’organisation et investir dans des équipements de qualité sont autant de pistes à envisager avec vos équipes. C’est en associant chaque personne de votre service que vous rendrez les soignants acteurs de leur prévention. Parce qu’avant d’être une obligation légale, la prévention des TMS est un enjeu humain.
Et rappelez-vous « Si vous écoutez votre corps lorsqu’il vous chuchote, vous n’aurez plus à l’entendre crier » (Sagesse tibétaine)
Contactez-nous
Merci pour cet article très intéressant ! En tant que soignant moi-même, je me rends compte à quel point les TMS peuvent impacter notre quotidien. J’ai souvent négligé ma posture au travail, surtout lors des longues heures en service, mais j’ai récemment commencé à intégrer des exercices d’étirement dans ma routine, et ça change tout ! Vos conseils sur l’aménagement ergonomique sont très pertinents – j’ai aussi investi dans une chaise adaptée, et mes douleurs ont nettement diminué. C’est vrai qu’il faut agir tôt, car attendre aggrave souvent les choses. Merci encore pour ces informations précieuses, elles me motivent à continuer sur cette voie !
Un grand merci pour votre retour qui est hyper motivant pour nous. C’est un plaisir de lire que vous avez trouvé des solutions adaptées à vos besoins. Les soignants ont tendance à s’oublier pour faire de leurs patients une priorité (et je m’inclus dans le sujet 😀). Le déclic fait la différence pour devenir acteur de sa santé et c’est vraiment top de lire que vous l’avez trouvé. Bravo pour votre Pep’s !